Un retour attendu // Jin Ling

Non mécontent de quitter enfin Lanling, Jin Ling sait que maintenant il va devoir respirer. Ne vous méprenez pas, le jeune maître est proche de son oncle, même s’il trouve ses règles de bienséances parfois trop appuyées. Disons que là où Jin Guangyao va avoir un sourire mesuré, le cadet a lui envie de hurler toute sa colère et son amertume à plein poumons. Pourquoi devrait-il respecter ceux qui le regardent de haut et qui le jugent ? Un jour, il prendra la place de Jin Guangyao sur le siège de chef de secte et il battra ses ennemis à coup de paroles virulentes et de brisages de jambes. Il est l’héritier après tout !

C’est ainsi qu’il est parti fâché de Lanling et il sait qu’à son retour, Jin Guangyao l’accueillera avec des mots doux et un présent pour être que la colère de son neveu soit bien redescendue et que son cœur soit apaisé. En attendant, Jin Ling va séjourner dans sa deuxième maison, au milieu des ruisseaux et des lotus. Lorsqu’il arrive à Lanling, tout est aussi paisible qu’à son dernier voyage. Il s’y sent bien, sans oppression, si on oublie les colères de son oncle. Mais le jeune cultivateur n’a pas peur de Jiang Cheng. Le nombre de fois qu’il a menacé de lui briser les jambes, jamais il n’est passé à l’acte. Jamais il ne lui ferait le moindre mal puisqu’il est tout pour lui. Même si Jin Ling lui répond parfois avec insolence, mais il n’y peut rien si la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. Oh tiens, ça cette réplique qu’il lui sortira au moment adéquat. C’est noté dans un coin de la tête de Jin Ling.

Lorsqu’il arrive au palais, la secte est présente pour l’accueillir et Jiang Cheng s’approche à grands pas et Jin Ling croise les bras.

“Jiu-Jiu, mes jambes ne me portent plus et ma gorge est sèche !”

Pfff, comme si Jiang Cheng allait l’accueillir avec du lait et des petits biscuits. Il n’a pas l’hospitalité et la délicatesse de Jin Guangyao. Il devrait prendre une semaine de cours avec son oncle .. Mauvaise idée, Jin Ling serait bien embêté si ses deux oncles avaient ce même regard sévère. Effrayant. Ne pervertit pas son oncle !!!

Comme s’il lisait dans ses pensées, Fée aboie sur Jiang Cheng, qui la fait taire d’un regard. La chienne préfère finalement s’approcher et lui lécher la main. Traîtresse, Fée !!

“Jiu-Jiu, je me suis entraîné à l’arc depuis la dernière fois, je pourrais viser les cerfs volants ?” demande Jin Ling avec entrain, avide de montrer à son oncle ses progrès et de voir la fierté briller dans son regard. Enfin … Plus que d’habitude. Car Jiang Cheng est en effet un homme tout en fierté. Ce qui lui porte parfois -souvent- défaut.

“Jiu-Jiu pourquoi il n’y a pas de madame Jiang pour m’accueillir ? Tu sais, tu prends de l’âge … A ce rythme, tu peux me donner Zidian !”

Enfin il faut déjà qu’une femme veuille bien de son oncle, avec son caractère difficile, il ne se facilite pas la tache. Pourtant, il faudra bien qu’il ait un jour un héritier, lui ne peut prendre ce rôle, étant déjà celui des Jin. Mais il serait mentir de dire que Zidian ne l’intéresse pas. Quelle arme terrifiante. Plus personne n’osera le défier, surtout s’il croise les bras comme son oncle !

Les membres de la secte attendaient Jin Ling, réuni dans la cour principale, comme sous une sorte de haie d’honneur. Ceux qui ont connu l’ancienne ère des Jiang ont une attache particulière pour lui, fils de la défunte Jiang Yanli. Si appréciée pour tous ici. Sans oublier que Jin Ling a en parti grandi au Quai du Lotus, sous les yeux de tous.
Jiang Cheng s’est arrêté devant son nom, croisant les bras lui aussi, avec son air sévère habituel. On se demande de qui Jin Ling à le plus pris. Pas de Jin Guangyao…
Son regard a pourtant balayé Jin Ling, pendant qu’il s’approchait, vérifiant qu’il n’ait pas eu de désagrément au cours de son voyage. Même si évidemment, Jin Guangyao ne l’a pas laissé partir seul. Des membres de la secte Jin accompagnant leur jeune maître. Ils repartiront le lendemain. Puis, quand Jin Ling retournera à Lanling, Jiang Cheng enverra avec lui les hommes qu’il a déjà choisis depuis longtemps. Toujours les mêmes.
Il a aussi noté que son neveu a grandi. Pas beaucoup, certes, mais tout de même.

« Cesse de faire l’enfant ! Tu as passé l’âge de cela ! »

Jin Ling se plaint, mais il sait que dans sa chambre, il trouvera une de ses collations favorites. Oh, cela ne vient pas de Jiang Cheng, mais des servantes de la famille Jiang, qui couvent parfois un peu trop l’adolescent. Mais une fois encore, certaines ont connus sa mère, et ont connu Jin Ling tout bébé.

Fée, depuis quand oses-tu aboyer sur Jiang Cheng ? Le chien spirituel a droit au même regard que toute personne lui manquant de respect ou attisant son jugement… A peu près tout le moment, certes. Quand la chienne lui lèche la main, Jiang Cheng lui gratte la tête. A chaque fois, cela lui rappelle qu’autrefois, lui aussi était accompagné de ses chiens. Chiens dont il a dû se débarrasser quand…

« Tu me montreras ça, oui. Que je juge par moi-même si tu as progressé ou s’il te reste encore du travail. »

Comme dit plus tôt, Jiang Cheng est un homme exigeant. Mais la cultivation est un art rigoureux, et le mode de vie d’un véritable cultivateur ne laisse pas beaucoup de place à l’erreur ou au manque de rigueur ou d’entrainement. Plus que les autres, Jin Ling doit être irréprochable. Tous les regards de Jin sont tournés vers lui. Pas seulement des Jin. De toutes les sectes de leur monde. Jiang Cheng ne permettra pas qu’on remette en question son neveu.

Enfin… Sauf quand ce dernier le provoque ainsi !

« Jin Ling ! Tu vas surtout te faire frapper par Zidian si tu continues ! »

Jin Ling a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Beaucoup attendent que leur chef de secte annonce ses fiançailles. Après tout, il est en âge de se marier depuis un moment, et un héritier serait le bienvenu. Des drames peuvent vite arriver. Le passé l’a prouvé plus d’une fois.
Mais comme l’a si bien pensé son neveu, la vie sentimentale Jiang Cheng est compliquée. Son caractère fait peur aux femmes, qui l’ont… mis sur liste noire ? Sans oublier que sur ce sujet aussi, Jiang Cheng est exigeant. Evitons de rappeler ses « critères ».

« Va plutôt te préparer pour le déjeuner, avant de me donner une nouvelle fois envie de te briser les jambes ! Tu me montreras tes progrès après le repas. »

Il lui tourne le dos, et repart. Qui a bien pu élever un petit impertinent dans son genre ? Que personne ne réponde !





Jiang Cheng attend son neveu pour le déjeuner, la vue sur le magnifique paysage que peut leur offrir
Yunmeng. D’après lui, il n’en existe pas de plus beau. Chaque fois qu’il revient ici, un étau se referme autour de son cœur, mais, en même temps, il est ici chez lui. Il a des responsabilités, mais aussi tant de si bons souvenirs…

« Installes-toi Jin Ling, et raconte moi ce que tu as fait ces dernières semaines. »

Cela t’empêchera de raconter des bêtises ou de poser des questions que tu es le seul à te risquer de poser.

Encore une différence entre ses deux oncles. L’un répond présent quand Jin Ling demande à être infantilisé, ayant parfois besoin d’une présence plus touchante et une épaule sur laquelle se reposer … Alors que l’autre est près à le balayer d’un croche patte ou de lui tirer les oreilles pour qu’il se reprenne. Du moins en apparence, car s’il lui arrivait malheur, Jin Ling ignore à quel point Jiang Cheng en serait mortifié. Bien entendu, il connaît son passif, mais n’ayant pas vécu cette époque, il ignore toute l’intensité du tourment de son oncle. Il le voit cependant notamment quand on mentionne Wei Wuxian, et que sa mâchoire se crispe et que ses poings se serrent à en faire blanchir leurs jointures. Puis plus petit dans des moments plus intimes où le masque se fissurait. Jin Ling se souvient d’un jour où haut comme trois pommes, il avait posé ses mains sur les genoux de son oncle et lui avait sourit en lui disant que tout ira bien. Bien sûr, aucun des deux ne fait mention de ce genre de moment et nierait qu’ils ont existé.

“Pfff Si tu me frappais avec zidian, tes ancêtres n’auraient pas besoin de te maudir tellement tu t’en voudrais !” Elle croise les bras d’un air hautain en le foudroyant du regard. Puis prend finalement un sourire de sale gosse.

“Parce que je suis ton neveu adoré !!”

Jin Ling s’enfuit avant que son oncle ne puisse s’en prendre à ses oreilles, Fée sur les talons. Le jeune disciple court avec insouciance dans les couloirs de la secte. C’est ici qu’il se sent libre. Dans les deux sectes, il est accueilli comme un petit roi, mais chez les Jin, il y a le poids des responsabilités et les murmures des uns et des autres. Enfin sauvage qui n’a pas de mère pour lui apprendre les bonnes manières. Et dire que c’est lui qui héritera un jour du rôle de son oncle … Chez les Jiang par contre, on le regarde toujours avec indulgence et affection. Il est le représentant d’une figure du passé. Une personne qu’il faut prendre soin, dans un respect nostalgique et affectueux.

Ici, il sait qu’il peut se montrer lui même, qu’il n’a pas besoin de mettre un masque, qu’il est accepté avec ses qualités et ses défauts. Il n’a pas besoin d’être fort et de regarder de haut pour montrer sa valeur et garder la face. Mais ici, loin des yeux plein de jugement, il peut parfois montrer ses faiblesses.

Enfin, certainement pas dans la cultivation, où on attend beaucoup de lui. Jin Ling lui même se met la barre très haute, c’est d’autant plus important pour lui de faire ses preuves. Il veut être à la hauteur de la bravour de son père, de sa force, et de la sagesse de sa mère. Que peu importe où ils soient, ils soient fier de lui. Et que le monde entier puissent voir que jamais il ne leur fera honte.

*

Ce n’est donc que lors du repas que Jin Ling montre sa frimousse. Contre toute attente, les meilleurs repas sont chez les Jiang. Vers Jin Guangyao tout est organisé au centimètre près de la disposition de l’assiette. Tout est formel, en suivant les étiquettes de table. Mais vers Jiang Cheng, ils sont tous les deux autour d’une petite table. Si tu veux quelque chose, sers toi, tu as des mains. C’est ce qu’il lui a apprit. Ne pas dépendre des autres pour les petites choses du quotidien, et pour les moments plus importants. Pourtant, Jin Ling sert lui même son oncle. Par un petit geste, il veut lui montrer qu’il pense à lui, qu’il veut son bien être. Ca c’est l’influence de Jin Guangyao.

“Jiu Jiu, ce que j’ai fais ces derniers temps n’étaient pas très passionnant. Shufu a encore invité Er-Ge. Lan Jingyi et Lan Sizhui étaient là aussi, à faire leurs intéressants ! Je n’aime pas quand ils sont là, mais heureusement, j’ai pu vite partir quand tu m’as invité.”

Il grimace en mangeant, frustré.

“On s’est entrainé, mais Lan Jingyi n’a pas arrêté de vouloir corriger mes faits et gestes, comme s’il savait mieux que tout le monde. Jiu Jiu, je vais devoir étudier chez Lan Qiren moi aussi ? On dit que c’est un homme effrayant. Lan Jingyi a dit qu’il me punirait tous les jours !”

Jin Ling est ce qu’on peut appeler un sale gosse. Jiang Cheng se ne prive pas pour le lui dire, ou pour le traiter de morveux. Mais il n’est pas mauvais. Au contraire, même s’il peut être capricieux et avoir mauvais caractère (Jiang Cheng est mal placé pour le juger sur ce point-là), son neveu a un bon fond. Il le montre par certains gestes. Comme celui de servir Jiang Cheng, maintenant qu’ils sont réunis autour d’une table, dans un moment tout sauf protocolaire.

Plus Jiang Cheng le regarde, plus il prend conscience d’une contradiction. Il veut que Jin Ling grandisse, qu’il devient un homme digne de ses parents. Oh comme sa jiejie serait fière de son fils…  Mais en même temps, une partie de lui aurait aimé qu’il reste le petit Jin Ling… Car finalement, inexorablement, le temps passe, et s’approche le moment où Jin Ling prendra la tête des Jin. Alors, ils ne se verront plus autant que maintenant, même si son neveu doit partager son temps entre ses deux foyers.
Jamais, au grand jamais, Jiang Cheng prononcera de telles pensées devant Jin Ling. Devant personne, à vrai dire.

« Ils ont toujours été proche. Ce sont des frères jurés, après tout. »

Lan Jingyi et Lan Sizhui. Ils reviennent souvent dans les histoires de Jin ling. Là aussi, ce n’est pas forcément étonnant. Ils sont de la même génération, et appartiennent à deux sectes puissantes et importantes. Et comme dit, Jin Guangyao est proche de Lan Xichen.
Jiang Cheng l’écoute en mangeant lui aussi. Ce n’est pas plus mal que tu reçoives la visite de personnes de ton âge, Jin Ling. De jeunes qui ne s’entraînent pas sous l’étendard des Jin. Il ne sait que trop bien que tu n’es pas forcément très proche d’eux, et que les relations peuvent être compliquées. Il aurait aimé que tu es toi aussi une personne que tu pourrais considérer comme un frère… Sans en connaître un dénouement tragique !

« Suivre l’enseignement de Lan Qiren ne te ferait pas de mal. Cela calmerait peut-être ton impertinence. Je suis même étonné que Jin Guangyao ne t’y ait pas encore envoyé. »

Jiang Cheng boit une gorgée de sa boisson, laissant le reste de ses paroles en suspens. Jin Ling doit déjà fulminer de ces simples paroles.

« L’enseignement que l’on reçoit chez les Lan est enrichissant. Même si j’ai toujours trouvé stupide toutes leurs règles. Si tu te comportes là-bas comme tu te comportes ici, tu recevras plus d’un coup de bâton. »

Il se renfrogne lui-même à cette pensée. L’enseignement que Jin Ling y recevrait l’aiderait à se perfectionner, mais il ne conçoit pas que son neveu se fasse battre. Il a vu de ses propres yeux les dégâts que pouvaient provoquer leurs punitions. Autant, recopier les règles, cela est correct. Mais les coups… Jiang Cheng a du porter sur son dos…

« Il ne tiendra qu’à toi de ne pas te faire punir. Mais cette décision ne m’appartient pas. Pas complètement en tout cas. Tu es l’héritier Jin. C’est donc à Jin Guangyao de décider. »

En y pensant, Jiang Cheng a passé de bons moments, au Repaire des Nuages. Une époque où il nourrissait encore une certaine insouciance. Où il avait certains rêves plein la tête, et où leur seule préoccupation à tous étaient justement de ne pas se faire enguirlander par Lan Qiren. Jiang Cheng respectait plutôt les règles, sauf quelques fois… Mais à chaque fois, une certaine personne était à l’origine de ses entorses aux règles des Lan.
Le temps a passé. Le monde a changé. Il a changé. Pas de retour en arrière possible. Juste des souvenirs, aussi joyeux que douloureux. C’est peut-être, justement, parce qu’ils étaient heureux, qu’ils sont aujourd’hui si douloureux…

Les paroles de son oncle le font réfléchir. C’est vrai, Jin Guangyao et Lan Xichen sont très proches et par conséquent, ils se voient beaucoup. Son autre oncle n’a pas de frère juré mais de ce qu’il sait, il faisait partie d’un mini groupe d’amis. Son oncle n’est pas comme lui, il n’a pas toujours été seul. Il fronce les sourcils, sa jeunesse insouciante, loin du passé tragique le faisant poser des questions maladroites.

“Jiujiu, pourquoi toi tu ne vois pas Nie-Zongzhu ?”

Peut-être que son oncle n’apprécie pas la réputation que le chef du clan Nie s’est faite au fil des années et qu’il a honte, ne voulant pas que son nom soit associé à lui ? C’est vrai que Nie Huaisang suscite les moqueries et les jugements. Que son oncle puisse s’éloigner à cause de ça, lui fait un peu de peine. Après tout, c’est quelque chose qui lui est bien familier à lui aussi. Son air est soudainement soucieux et même penaud. Est-ce qu’un jour son oncle aura honte de son manque d’éducation ? Honnêtement ? Jin Ling fait de son mieux, mais ce n’est pas toujours évident. Il ne sait pas se contrôler, il n’y arrive pas, trop vite piqué à vif. Être traité de jeune maîtresse ne l’aide pas. Il a bien conscience de faire des manières mais … Jin Ling fait comme il peut avec les armes qu’il a en mains et avec ce manque qu’il a dans sa vie. Un manque que personne ne peut combler. Que cette facilité devienne une honte et un déshonneur le met hors de lui. Et il ne veut pas que sa famille pense un jour ainsi.

La conversation tourne autour de Lan Qiren, sujet qu’il a lui même évoqué et comme d’habitude, Jin Ling répond à la provocation, incapable de la laisser couler. Si prévisible. Ils sont pareils !

“Pfeuh !! Je n’ai pas besoin des autres disciples Lan. Ni de Lan Qiren. Je ne suis pas impertinent quand je suis seul !”

Une solitude dans laquelle il se complet. De toute façon personne ne veut être son ami. Ils veulent juste se moquer, c’est tout. Parce que c’est drôle de le voir piquer des colères qui cachent son désarroi et ses larmes. C’est drôle d’exploiter ses blessures. Et à part ça, il doit se montrer raisonnable et ne pas faire des siennes. Non, Jin Ling est mieux seul, quand il n’y a personne pour lui rappeler qu’il n’a pas de mère pour lui apprendre les bonnes manières.

“Je ne veux pas être battu” finit-il par dire d’une voix maussade. “Je sais que je ne serai pas bien là-bas parce que je ne saurai pas être respectueux comme on attend de moi. Tu dis que ça ne dépend que de moi mais je suis dans un monde qui me rappelle sans cesse qui je ne suis pas.” Son air est devenu sombre. Il pose sa fourchette, contrarié.

“Je préfère m'entraîner avec un cultivateur particulier. J’en ai marre de devoir toujours prouver qui je suis ou qui je pense être”

La tristesse laisse place à la colère. Il frappe la table et la nourriture s’éparpille sur la table.

“Je ne veux pas être à la tête du clan Jin si je ne suis pas assez bien pour être l’héritage de mon père. Je ne veux pas ternir son image. Que vais-je faire Jiujiu si faire de mon mieux ne suffit pas ? Si l’absence de l’éducation de maman fait que je ne suis pas quelqu’un de bien ?! POURQUOI WEI WUXIAN M’A PRIS MES PARENTS ? Je n’ai pas demandé ces lacunes !!!”

D’un geste furieux, il envoie balader le contenu de la table sur le sol.

“JE LE DETESTE !!! JE LE DETESTE !!! JE LE DETESTE !!!” hurle Jin Ling, se tirant les cheveux, perdu dans sa colère et sa panique. Dans sa peur de ne pas être à la hauteur. Sa peur de n’être qu’une honte.

“C’est de sa faute ! Sa faute ! Moi je n’ai rien fait ! Rien fait !” répète-t-il d’une voix brisée.

Pourquoi il ne voit pas Nie Huaisang ? La question est légitime. Après tout, ils ont étudié ensembles au Repaire des Nuages. Ils étaient souvent ensemble… tous les trois. Lui, Nie Huaisang et… Wei Wuxian… Le plus jeune frère Nie avait l’air de mettre ce traitre sur un piédestal, toujours à prendre sa défense et à approuver ses plans. Notamment quand il s’agissait de jouer de mauvais tours à Lan Wangji. De mémoire, il avait prêté des ouvrages interdits… Peut-être était-ce cela le problème de Jiang Cheng, lui qui voulait couper tout lien avec celui qu’il avait un jour considéré comme un frère.

« Nous avons pris des chemins différents. »

Jiang Cheng avait dû prendre en charge la secte après la mort de ses parents. Il était encore bien jeune à ce moment-là, et devait quasiment repartir de zéro. Repartir de zéro, et seul, malgré toutes les belles promesses qui avaient été faite. Raison pour laquelle il ne croyait désormais plus aucun serment qu’on lui faisait. Ces paroles n’avaient plus aucun poids, plus aucun crédit, à ses oreilles, qu’importe qui les prononcent.
En plus de la charge de reconstruire une secte anéantie et décimée, Jiang Cheng s’était juré de faire parti de la vie de son neveu, de prendre soin de lui, à sa manière. Il était la seule famille qui lui restait après tout. L’être le plus précieux aux yeux de sa jiejie.
De lourdes responsabilités pour les épaules de Jiang Cheng, qui avait tant peiné à garder la tête hors de l’eau. Mais sa fierté, son sens du devoir et le souvenir de sa famille l’avaient guidé dans sa tâche.
Il n’avait pas le temps pour les amitiés. Ou pour les amourettes, dont Jin Ling aime lui rappeler l’absence. Seul le devoir et Jin Ling comptaient. Nie Huaisang en a fait les frais.

La solitude. Jiang Cheng la connait si bien. Enfant, il n’avait pas d’amis. Raison pour laquelle il était si attaché à ses chiens. Wei Wuxian a été son premier ami. Son frère. La trahison n’en a été que plus dure et plus douloureuse, l’enfermant dans une nouvelle solitude si pleine de rage, de désespoir… De regret…

Il sent le changement en Jin Ling. Le calme avant la tempête. Il ne connait bien. Il l’a en parti élevé. Sans oublier que son neveu a hérité de son caractère tempétueux, au grand désarroi de Jin Guangyao.

Wei Wuxian… Son nom est lâché. Jin Ling est bien la seule personne à se risquer à prononcer son nom devant Jiang Cheng. Le Chef de Secte ne tolère pas qu’on évoque son ancien frère devant lui.
Comment voulez-vous qu’il n’haïsse pas Wei Wuxian ? S’il n’avait pas existé, il aurait toujours sa sœur. Jin Ling aurait ses parents auprès de lui. Il ne serait pas plongé dans un tel désespoir. Et lui, Jiang Cheng, ne serait pas ronger par une telle colère…

« Jin Ling ! »

Sa voix est dure. Ferme. Laisse entendre que son neveu est bon pour des réprimandes pour son manque de contrôles et la vaisselle brisée sur le sol. Jiang Cheng se lève, s’approche de Jin Ling. Sa main se pose sur l’épaule de son neveu. Il donnerait n’importe quoi pour lui offrir ce qu’il désire si ardemment.

« Jin Ling. Calme-toi. Ne laisse pas de telles pensées troubler ton esprit. »

Il n'est pas le mieux placer pour lui donner un tel conseil, mais il ne veut pas que son neveu devienne comme lui. Pas complètement. Il n’est pas non plus la bonne personne pour réconforter Jin Ling. Il n’a pas le don d’éloquence de Jin Guangyao. Rien que cette main sur l’épaule de son neveu…

« Je suis là pour t’aider à marcher sur les traces de ton père. Lorsque tu prendras la tête du clan Jin, rien ni personne ne pourra contester ta légitimité. »

Mais ta mère serait déjà si fière de toi. Si fière de voir le jeune homme que tu es en train de devenir. La connaissant, elle regarde même tes défauts avec la plus grande des clémences, affirmant qu’ils font parti de ton charme.

« Wei Wuxian est le seul coupable. Il devrait être le seul à payer pour ses crimes. Malheureusement, les choses ne se passent ainsi. »

Le monde est cruel. Plus d’une fois, il en a eu la démonstration. La souffrance est une étape obligatoire de la vie, qu’importe son injustice. Jin Ling a eu y goûter si jeune…

« Jin Ling. Lève-toi. Viens avec moi. Allons marcher. »