Un conseiller pour Qinghe - Ft. Nie Mingjue

La patience et le calme. Deux mots étrangers du vocabulaire et de la personnalité de Mingjue. De son vivant, il était connu pour son caractère véhément, pour qui tout était tout blanc ou tout noir, et pour sa colère sans comparaison. Mais entretemps, cette colère a eu raison de lui. Oh, pas seulement elle. Disons qu’on l’a bien aidé à perdre le contrôle et à mourir.  Aujourd’hui, il est de retour, avec une menace planant au-dessus de sa tête. Une menace qui l’empêche de reprendre son nom, ou d’aller directement confronter Meng Yao pour sa trahison. Mingjue n’a aucune seule faiblesse, et c’est cette faiblesse qui est prise pour cible. Alors d’ici à ce qu’il trouve une solution, l’ancien chef des Nie est Liu Qingge.

C’est sous ce visage et sous ce nom qu’il a demandé à rencontrer Nie Huaisang, le nouveau chef du clan. Son frère. Avant de venir à lui, Mingjue a entendu bien des informations et des rumeurs. Toutes parlaient de la chute du clan, et de l’incapacité de Huaisang à le diriger. Tête Branlante… A chaque fois, cela le mettait dans une rage folle, qui avait toutes les peines du monde à maitriser. Pourtant, il n’a pas le choix. Il doit apprendre à aller contre sa nature. Autant que possible, en tout cas. Encore une fois, patience et calme… Mais il doit le faire. Pour Huaisang.


Quand on connait un minimum Mingjue, on se doute qu’il n’a qu’une seule envie en découvrant son cadet, qui donne malheureusement raison à sa réputation : le secouer. Ce manque de confiance, cette voix tremblante…. Tout cela n’a pas sa place, quand on est assis sur le siège de chef. Mingjue aurait du mieux le préparer à cette éventualité, même si son frère n’en faisant qu’à sa tête.

Mais il n’est pas Mingjue.

- Nie-Zongzhu, salue-t-il en accompagnant le geste à la parole. Je me nomme Liu Qingge. Comme beaucoup, je cherche ma place dans ce monde. J’ai à plusieurs reprises entendu parler de son clan qui, de ce qu’on m’a dit, serait celui qui me correspondrait le plus. C’est pourquoi j’ai l’audace aujourd’hui de me présenter à vous.

Son arme est un des arguments de cette orientation. Mingjue ne pouvait pas se résoudre à prendre une arme spirituelle classique, que tous les autres clans se partagent. Son sabre actuel est loin de la splendeur de Baxia, mais la base est la même : un sabre chinois à un seul tranchant. Zhènxīng. Qui repose actuellement dans les mains d’un des hommes ayant accompagnés Mingjue. Ce n’est pas suffisant pour rendre un cultivateur moins dangereux, mais c’est un début.

Une terreur feinte sur le visage qu’il cache à demi derrière son éventail, Nie Huaisang garde son rôle. L’argument de cet homme est valable mais il reste à voir si ses ambitions ne sont pas plus importantes que de l’aide et des conseils. La secte est sur le déclin et sa réputation est lamentable, personne d’autre que ses deux frères jurés ne veulent prendre la peine de l’aider à accomplir son rôle. Et bien longtemps qu’on ne lui avait pas demandé à rejoindre son clan.

Les mouvements de son éventail sont plus puissants et rapides, plus nerveux. Une perle de sueur coule malgré tout le long du beau visage de Huaisang. Il s’empresse de tapoter sa peau avec un petit mouchoir de soie, non par souci de paraître lâche ou inquiet face à ce Liu Qingge mais pour ne pas faire couler son maquillage parfait. Ses mouvements sur son siège sont incertains, comme pour démontrer un conflit intérieur. Finalement il inspire et expire avec peine, loin d’être soulagé. Il le pointe de son éventail qu’il referme d’un rapide mouvement.

“Je ne vois pas qui aurait pu vous dire que la secte vous correspond. Les Nie n’ont plus aucun moeurs si ce n’est suivre une ombre frémissante. Je n’ai confiance qu’en mes hommes. Si vous essayez de mettre la main sur ma secte, le courroux de feu Nie Mingjue s’abattra sur vous !”

Le nom de son frère suffit à faire trembler la plupart des hommes aux mauvais desseins. Il terrifie jusqu’à la génération d’aujourd’hui qui ne l'a pourtant pas forcément connue. Les Nie ne cultivent pas comme les autres cultivateurs, ils ne sont pas protégés du risque de revenir sous une forme plus monstrueuse après la mort. Alors parler d’une malédiction de Nie Mingjue ..

“Qu’est-ce que vous pensez pouvoir apporter à ma secte ? Pourquoi vous tourner vers un clan qui est brisé ? La secte de Yunmeng n'est-elle pas plus aptes à vous recevoir ? Ils montrent leur force et leur détermination jour après jour. Jiang-Zongzhu a tout rebâti de ses mains. Votre admiration devrait plutôt se tourner vers lui.”

Une admiration qui s’entend dans la voix de Nie Huaisang, n’ayant cette fois-ci, pas besoin de la feindre. Jiang Cheng est un exemple de bravoure et une fois que tout sera terminé, Nie Huaisang espère qu’il pourra le prendre en exemple pour redresser sa secte. Pour être le digne héritier des Nie et la fierté de son frère. La fierté … Il n’est pas sûr que son frère accepterait qu’il ait tant sacrifié pour sa vengeance. Mais Huaisang n’est pas Mingjue, il ne peut pas se rendre à la carpe dorée pour arrâcher la tête de Jin Guangyo. Non, son seul moyen de survivre et d’accomplir sa justice lui a demandé un plan plus sournois qui lui a valu des sacrifices qu’il sait temporaire mais pourtant bien présent.

Il se fiche de sa réputation et qu’on se moque de lui, tant qu’un jour la vérité sur la respiration et le rôle de Jin Guangyao éclate au grand jour.

“Il n’y a rien que puissiez faire pour moi, Liu Qingge, repartez.”

Le comportement de Huaisang le rend fou. Il a toujours autant envie de le secouer. Il ne faut jamais montrer sa peur ou un manque d’assurance. Il faut toujours avoir l’air sûr de soi, montrer qui est le maître en ces lieux. Tu es chez toi Huaisang. Ici, c’est ton domaine. Ta parole fait office de loi. Alors ne te cache pas comme tu le fais ! Ce n’est pas ainsi que tu vas aider la secte ou que tu vas te faire respecter. Tout ce qu’il a entendu jusque-là, c’est des critiques ou des remarques moqueuses à ton égard. Oh comme il avait envie de leur tordre le cou, quant bien même ils aient raisons.
Mais c’est ça le problème. Tu ne dois pas leur donner raison. Sois fort Huaisang. C’est ce que ton rôle veut de toi.
Mingjue le regarde faire son petit manège, avec son éventail, bouillonnant intérieurement. Son visage reste cependant étonnamment neutre. Un miracle, quand on le connait. Mais il serait fâcheux que l’on se doute de qui il est si vite. Il doit veiller sur son frère, sans que personne ne découvre sa véritable identité. Il doit protéger son âme, coute que coute. Et si, au passage, Mingjue pour redresser la barque…

A l’évocation de son nom, Mingjue est amusé. Même après sa mort, Huaisang continue de se cacher derrière lui, attendant qu’il le protège. Le destin veut que ce soit possible, mais son jeune frère l’ignore. Tant d’années écoulées, mais Huaisang garde ses habitudes. Comme on dit, elles ont la vie dure.

Jiang Cheng. Mingjue avait lui-même été impressionné par sa force de caractère et sa détermination, quand il avait du reconstruire de ses mains le Quai du Lotus et la secte dont il avait hérité. Il n’est donc que moyennement surpris que Huaisang le cite en exemple. D’autant qu’ils ont étudié ensemble, chez les Lan.

« Permettez-moi avant tout de parler, Nie-Zongzhu. »

Hors de question que Mingjue parte maintenant. Hors de question qu’il laisse son clan ainsi. Et surtout, hors de question qu’il te laisse sans sa protection.

« On m’a parlé de l’époque où votre secte brillait. De l’époque où votre frère aîné la dirigeait d’une main de fer. Je ne vais pas vous mentir, on ne m’a pas peint un portrait très glorieux de vous… Surtout quand la comparaison était faite avec vos prédécesseurs. »

On a vu mieux, quand il s’agit de convaincre. Mais au moins, Huaisang peut reconnaitre que « Liu Qingge » ne plonge pas dans l’hypocrisie et les faux compliments. Pas comme certaines personnes qui les deux frères ont pu connaître. Une en particulier... Mais Huaisang est-il seulement au courant ?

« On m’a aussi parlé des autres sectes. Les faits d’arme de certaines sont des plus impressionnantes, c’est un fait. Mais je ne me retrouve en aucune d’elle, sur le plan de la cultivation. C’est la raison principale de ma venue devant vous, Nie-Zongzhu. »

Comme indiqué précédemment, Liu Qingge est armé d’un dao, un sabre à un seul tranchant. Contrairement aux cultivateurs des autres sectes, qui maitrise l’utilisation du jian, une épée droite à double tranchant. Pas aussi massive que Baxia, son arme de substitution reste impressionnante. Surtout que sous cette apparence, Mingjue est notamment moins large d’épaules, et un peu plus petit.
Mais surtout, Mingjue ne saurait pas faire semblant, simulant l’emploi de la cultivation plus classique.

« Je suis prêt à mettre ma lame à votre servir, pour trouver ma place, et vous aider dans votre rôle. Le pouvoir ne m’intéresse pas. Vous n’avez pas à craindre que je cherche à prendre votre place d’une façon ou d’un autre. Je le jure sur votre frère et la fureur qu’il ferait abattre sur moi. »

A la mention de son frère, sa gorge est soudainement asséchée. L’émotion est visible dans son regard. Il n’a pas besoin de la feindre ni de la cacher. C’est un fait, Nie Mingjue sera à jamais son tourment. Une blessure qu’il gardera dans son cœur, dans son âme et dans sa chair. Son épaule à jamais témoin de la folie de Nie Mingjue avant son trépas. Une folie qui n’est pas naturelle, même si ça il n’en sait rien. Pour tout le monde, Nie Huaisang a subi la déviation de Mingjue avant qu’il ne s’éteigne. Souffrance et horreur. Une fin tragique et traumatisante qui justifie qu’il en soit là aujourd’hui. Ainsi, même si lui mentionne parfois son frère, personne d’autre ne se le permettait. Nie Mingjue est un nom à proscrire, un nom qui a laissé un frère en deuil, un clan fidèle et mortifié qui continuent de suivre le frère de leur respecté leader, quand bien même Nie Mingjue a agressé son propre clan. Un nom qui inspire toujours ce respect mais aussi la crainte. Comme si à tout moment leur Zongzhu risquait de revenir sous une forme spectrale, n’ayant pas trouvé le repos. Dans d’autres conditions, cela aurait été possible. Les Nie ne sont pas protégés comme les autres sectes, pas à l’abri que leur colère les fasse revenir, maudissant la terre entière. C'est pourtant un destin bien plus cruel qui suit Nie Mingjue.

L’air peiné et marqué de Nie Huaisang ne disparaît pas. Il est davantage marqué par le souvenir du passé, son frère au sommet de sa gloire, que par ses défauts mis en avant. C’est vrai, il est cette branlante que tout le monde dit. Du moins, il n’y a personne pour dire le contraire. Tous ceux qui ont vu les progrès et la valeur du jeune Nie ont laissé la vie dans le caveau de leur secte, massacré par son frère lui-même. Par la faute de la musique de Jin Guangyao .. Et la sienne, puisque c’est lui qui l’a jouée. Une mélodie qui a pour une énième fois accéléré et amplifié le processus de sa déviation. Une responsabilité, un regret et une honte que Huaisang portera à jamais.

Le silence est installé depuis deux bonnes minutes avant que Huaisang daigne se lever de son siège, rejoignant Liu Qingge, d’un pas lent et presque fantomatique tant il paraît ailleurs. L’homme lui a avoué que tout comme eux, il est incapable de cultiver de la même manière que les autres clans. Ce n’est pas lui qui volera sur une épée. Doucement, il lève sa main, touchant la lame du bout des doigts, avec précaution. Ce qui ne l'empêche pas de se couper malgré tout.

“Aie” dit-il par réflexe avant de retirer ses doigts pendant que Liu Qingge lui présente ses vœux et ses engagements. Il laisse le sang couler et éclabousser le sol de minuscules particules rouges.

“Vous savez … De telles promesses ne doivent pas être prononcées à la légère. Mes ancêtres vous maudiront si vous échouez à votre tâche, soyez en certains. Vous avez parlé de l’ancienne force de mon clan. Alors prenez cette menace au sérieux … Si vous êtes près à prendre ce risque … Je suis près à vous laisser votre chance … Que que cela veuille dire.”

Il se détourne et d’un pas léger presque sautillant, d’une humeur plus insouciante qu’on lui connaît bien, il retourne près de son trône. Ce n’est évidemment qu’une apparence, Nie Huaisang a pratiquement des yeux derrière la tête, surveillant les faits et gestes de l’individu. Mais rien ne vient, alors il peut plus ou moins se détendre. Ses pas s'arrêtent près du trône, vers le compartiment où autrefois était disposée Baxia. Aujourd’hui, elle est vide. Nie Mingjue hurlerait s’il voyait qu’il n’y a pas mit son épée. Bien sûr les gardes font leur travail de surveillance.

“Il me faut néanmoins voir vos capacités … …. Ahahaha pas contre moi !” ajoute-t-il en secouant son éventail de nouveau ouvert.

Même à lui, qui n’est pas connu pour sa délicatesse ou son empathie, la douleur de Huaisang est plus que visible. Ils étaient proches après tout, autrefois. Mingjue avait fait le serment à son jeune frère de toujours le protéger, même s’il pouvait lui-même se montrer dur avec lui. Mais après tout, n’est-ce pas son devoir ? Il était le frère ainé, et ils n’avaient plus de parents. C’était donc son rôle de veiller sur Huaisang, et d’assurer son éducation. D’autant plus qu’on on gravite dans les plus hautes sphères d’une secte.
Huaisang. Pourras-tu un jour lui pardonner d’avoir trahi cette promesse ? De son côté, Mingjue a si honte du mal qu’il a pu te faire. Les derniers instants de sa vie sont flous, sa déviation ayant bien trop embrumée son esprit mais… il sait qu’il t’a fait du mal. Il le sent. Il ne lui reste plus qu’à découvrir à quel point. Une partie de lui redoute la réponse, mais il refuse de rester dans l’ignorance, qu’importe la gravité ou l’horreur de ce mal.
Oh Meng Yao. Jin Guangyao. Peu importe comment tu te fais appeler. Qu’importe le titre qui est le tien. Tu ne pourras pas te cacher éternellement. Mingjue trouvera le moyen de te confronter. C’est ce qu’il aurait déjà fait, si une menace si cruelle ne planait pas au-dessus de Huaisang. Qu’y-a-t-il de pire que de menacer directement l’âme d’un individu ?

Alors que Huaisang s’approche, Mingjue ne bouge pas. Inutile de faire le moindre geste qui serait vu comme une menace de la part d’un des hommes faisant office de gardes. Il se demande pourtant s’ils seraient assez vifs pour réagir face à une telle menace. Après tout, leur chef de secte s’avance, sans aucune arme. Par seulement sur lui. Aucune. Pas la moindre trace de l’épée de son cadet dans la pièce. L’a-t-il seulement porté une seule fois, depuis qu’il est à la tête de la secte ? Son titre voudrait pourtant qu’il la porte à son côté, et qu’il l’affiche près du trône sur lequel il siège.
N'a-t-il rien retenu de tout ce que Mingjue lui disait ?

« Je prends le risque. » confirme-t-il, l’assurance résonnant dans sa voix. Ses ancêtres ne pourront que le soutenir dans sa quête. Protéger un Nie, et restaurer la splendeur de leur clan.

Alors que Huaisang s’éloigne à nouveau, les yeux de « Liu Qingge » captent les quelques goutes de sang où ont tachés le sol. Il fronce les sourcils, mine bien plus semblable à celle qu’il arborait quotidiennement autrefois. Dans son esprit, des images floues se bousculent. Impossible de le remettre dans l’ordre ou d’y voir avec netteté. Mais une évidence : il a déjà fait couler le sang de Huaisang… Il n’a pas su tenir sa promesse jusqu’à la fin.

« Je comprends. C’est tout à fait logique. J’affronterais donc la personne que vous choisirez pour cette tâche. »

Saura-t-il se contenir dans un combat ? Il redoute la réponse. Après tout, le combat est ancré en lui. Son style et sa puissance font partie de lui. Mingjue va devoir faire des efforts pour ne pas se faire reconnaître si bêtement. Et pour ne pas se faire emporter par l’action.

« J’espère savoir me montrer digne de l’attention que vous portez à ma demande, Nie-Zongzhu. »

L’avantage d’avoir d’anciens frères jurés plus diplomates que lui, c’est qu’il a pu les voir à plusieurs reprises à l’œuvre. Ce qui l’aide actuellement. Même s’il préfère très largement prendre exemple sur Lan Xichen. Qui aurait cru que le fier et coléreux Nie Mingjue se montrerait un jour si raisonnable ? Cela lui demande des efforts, et il fait qu’on a beau cacher le naturel, il fini toujours pas revenir au galop. Et voir Huaisang ainsi ne l’aide pas à garder la tête froide !

“Votre combat débutera demain à l'aube. Tenez-vous prêt … En attendant le verdict, je vais vous faire attribuer des quartiers au palais.”

C’est ainsi que Nie Huaisang prend congé, fatigué par cet entretien riche en émotions. Mentionner son frère est toujours bien compliqué pour son cœur qui saigne encore tant. Il ne peut passer à autre chose quand son bourreau est encore si proche de lui. Il envoi des dames de la cour pour s’occuper de Liu Qingge et lui montrer sa chambre pour la nuit, ainsi que lui faire visiter le palais, où il a autorisation de se déplacer.

Plus tard dans la soirée, Nie Huaisang est dans une pièce bien particulière du palais impur. Une pièce où il peut se recueillir, prier ses ancètres, ses parents, son frère. Aujourd’hui, il en a besoin, encore bien déboussolé. Vêtu d’un hanfu plus léger et classique pour montrer son respect, Huaisang est assis à genoux sur un coussin. Il passe une longue mèche brune en arrière et ferme les yeux, avant de joindre ses mains et de s’incliner profondément, recommençant à plusieurs reprises. Il n’a pas entendu les pas s’arrêter à l’encadrement de la porte. Huaisang continue de rendre hommage et de s’incliner avant d’ouvrir une petite boite. Il en sort un objet long et fin qu’il dépose devant la plaque contenant le nom de son frère.

“Regarde ce que j’ai trouvé aujourd’hui. Je pensais qu’il avait été brûlé avec les autres mais non … C’est le premier pinceau que tu m’as offert après que Père nous ait puni.”

Il laisse le silence s’attarder puis glousse en joignant une nouvelle fois ses mains.

“Pardon Père, pardon. C’était de notre faute, nous étions coupables. Reposez en paix, nous avions tort.”

Huaisang se souvient parfaitement de ce jour. A vrai dire, c’est surtout Nie Mingjue qui a été puni, battu avec le bâton de correction. Pendant que lui, il pleurait à ses côtés. Il aurait voulu protéger son frère lui aussi. Il n’a jamais supporté de le voir souffrir. Alors voir sa colère s’accentuer pendant des mois, sachant que la mort l'attendait … Ça été des mois éprouvants pour Huaisang qui s’est senti si impuissant. Il a beaucoup de regrets. Une larme coule sur sa joue. Il sait que ses paroles ne peuvent pas être entendues, parce que son frère ne repose pas en paix. Il n’est qu’un cadavre féroce dont les membres sont dispersés dans toute la Chine.

“Moi aussi … Moi aussi j'aurais voulu te protéger toute une vie. Pardonne mon impuissance Da-Ge. Il faut que quelqu’un me pardonne parce que moi je ne peux pas le faire …”

Dire qu’il a participé au trépas de son frère … Non, peu importe le temps que sa vengeance prendra, Nie Mingjue finira un jour par reposer avec au moins un semblant de paix. Un jour il saura que ce crime ne sera pas resté impuni.

C’est un visage baigné de larmes qu’il tourne vers Liu Qingge avant de cligner des yeux, prit au dépourvu. Nie Huaisang essuie son visage avec les manches de son hanfu, puis se redresse.

“Liu Qingge … Que faites-vous ici ? Vous devriez vous reposer pour être en forme demain.”

Ces couloirs, Mingjue les connait bien évidemment par cœur. Il a donc écouté d’une oreille distraite ce qu’on lui disait. Rien n’avait vraiment changé, après toutes ses années. Ce lieu fait écho aux hommes qui ont régné dessus. Solide, imposant et parfois même sans chaleur…
Que cela lui fait étrange d’être de nouveau ici, chez lui. C’était son objectif, bien sûr, mais il y avait peu de chance de réussite. Et encore, tout n’est pas encore joué. Demain, il devrait terminer de persuader Huaisang de le garder près de lui. L’inverse était inconcevable. Mingjue n’avait pas le droit à l’échec.

Un repas a été apporté à Mingjue, directement dans les quartiers qui lui ont été attribués pour cette nuit. C’est à peine s’il prête de son attention à la personne qui dépose le plateau. Il ne remarque donc pas la déception de la jeune femme. Il n’a que faire de ce genre de frivolité.
Une fois seul, il dîne en silence, réfléchissant à la suite. Pas seulement pour demain, mais pour tout le reste. Il serait imprudent de sa part de mettre Huaisang sur la piste de Meng Yao. Son frère n’est pas armé pour le confronter, et il aurait de toute manière aucune preuve de ses malversations et autres crimes. Il ne pouvait décemment par arriver et dire « un homme que personne ne connait affirme que Jin Guangyao est à l’origine de la mort de mon défaut frère. ».

Avec un soupir, à défaut de pouvoir froncer les sourcils comme à son habitudes, Mingjue se lève et quitte la pièce. Il a besoin de marcher. Ses pas le guident vers un lien bien particulier. Il veut prêter serment devant ses ancêtres.
Cependant, il doit renoncer à ce projet en découvrant Huaisang déjà présent.

« … »

Il ne signale pas sa présence. Mingjue sait qu’il devrait partir, pourtant il reste là, dans l’encadrement de la porte. Son frère lui tourne le dos. Tant mieux.

Lui aussi, il se souvient des moments évoqués par Huaisang. Il se revoit, si jeune alors, offrir à son frère, plus jeune encore, ce pinceau. Huaisang était si petit… Il l’a toujours été. Forcément, cela n’a fait que renforcer la volonté de Mingjue de veiller sur lui. S’ils avaient eu la même carrure tous les deux, peut-être cela aurait-il été légèrement différent. Pas complétement, car cela ne retire en rien le fait que Mingjue soit l’aîné.
Il a toujours fait en sorte que son frère ne soit pas battu. Il ne supportait pas l’idée qu’on puisse lui faire ainsi du mal. Même s’il s’est montré lui-même on ne peut plus dur après la mort de leur père. Il n’était donc pas rare que Mingjue impose sa volonté d’être puni pour eux deux. Huaisang s’accrochait alors à lui, ou s’agenouillait à son côté, et pleurait toutes les larmes de son corps. A croire que lui-même se faisait battre. L’ainé Nie ignorait que l’on pouvait pleurer autant.

Mingjue se fige quand il entend Huaisang évoquer la promesse qu’il lui a faite autrefois. Il ne l’a pas oublié. Evidemment… Sa mâchoire se crispe, mourant une nouvelle d’envie de saisir son frère par les épaules de le secouer, en lui hurlant dessus que c’était LUI qui avait échoué, pas l’inverse. Que c’était LUI qui devait demander pardon. A Huaisang, et à leurs ancêtres. Que c’était LUI qui ne pourrait pas se pardonner pour un mal dont il peine tant à se souvenir. Pas l’inverse. En aucun cas. Tu n’as pas le droit de penser ainsi Huaisang… Tu n’aurais rien pu faire pour l’aider…

Quand Huaisang se tourne vers lui, Mingjue n’a pas le temps de réagir. Tout juste parvient-il à décrisper sa mâchoire. Ce regard. Ce visage baigné de larmes. Comme autrefois.

« Pardonnez-moi de vous surprendre ici, Nie-Zongzhu. Je peinais à trouver le repos, alors je me suis permis de déambuler entre les murs de votre demeure. »

Liu Qingge avait joint les mains devant et s’était incliné, comme le veut la bienséance, surtout quand on s’adresse à un chef de secte. Tant de fois, Mingjue avait vu des hommes opérer ainsi devant lui.

« Rassurez-vous. Je n’ai pas entendu vos prières à vos ancêtres. Et je me garderais d’évoquer notre rencontre en ces lieux. »

Ils sont l’un en face de l’autre. Même s’il n’est pas aussi grand qu’avec son apparence d’origine, Huaisang semble si petit et si frêle devant lui… Comment de telles épaules pourraient porter le fardeau de diriger le clan Nie, si particulier vis-à-vis des autres sectes ?
Mingjue a laissé Zhènxīng dans ses quartiers. A contre cœur. Mais il aurait été inconvenant qu’on le voir se balader en pleine nuit aves son sabre, et qu’on l’accuse de mauvaise intention.

« Je vais vous laisser. Ce lieu ne me concerne en rien »

Bien qu’une plaque portant son nom y figure…

La cuisine n’est pas dans cette direction, effectivement, même s’il ignore que Liu Qingge le sait parfaitement. Nie Huaisang est encore secoué et bouleversé par ses propres prières et n’a pas le coeur à être méfiant. C’est un de ces jours où le moral est au plus bas, où les larmes ne peuvent cesser de couler -pourtant jamais en public sauf à cet instant pris par surprise- où il veut juste dormir et être le lendemain. Vu l’heure tardive, il le pourrait très bien. Un sommeil qu’il espère sans rêves et assez reposant pour que demain soit un meilleur jour.

Les deux sont face à face et oui c’est vrai, Huaisang fait si frêle par rapport à lui, et avec son visage baigné de larmes séchés et ses yeux éteints, on pourrait croire qu’il risque de se briser à tout moment. Il n’est rien d’autre que cette branlante. Quelle apparence … Pourtant Nie Huaisang est bien plus que ça. Un tourbillon d’amertume remplit son être, prenant attention à ce que son tourment ne ne se transforme pas en rage. Calme, réfléchi, patient. Ce sont des qualités qu’il a appris à développer. Ne pas se précipiter même si toute sa raison lui hurle d’en finir avec Jin Guangyao. Il ne peut rien faire d'autre que suivre son plan, petite étape par petite. Les choses ne seront pas toujours ainsi … En partie. Même si un jour son cœur devient plus léger, Nie Huaisang sait qu’il sera malgré tout toujours aussi seul. La solitude et l’abandon sont des sentiments qu’il ressent toujours les jours. Des bras invisibles et froids le tirent dans un monde crépusculaire.

Le silence accompagne la mélancolie de Nie Huaisang, qui, plutôt que de répondre, s’éloigne. Il s’approche de la fumée légère au doux parfum et glisse ses doigts dessus, éteignant le bâton d’encens. Il aurait aimé rester davantage avec son frère mais le moment n’est plus propice, son intimité ainsi envahie.

Pourtant quand Liu Qingge commence à se détourner pour partir, la main de Nie Huaisang agrippe son poignet sans pouvoir s’en empêcher. Son instinct a agit de lui même. Il le tire légèrement en arrière pour attirer son attention. Ses yeux toujours limpides sont confus, surprit de sa propre initiative pendant qu’il le fixe. Huaisang ouvre la bouche et la referme, troublé et désorienté. Ce qui n’empêche pas sa voix d’être étrangement ferme.

“Ne partez pas. Si vous voulez votre place, ne …” Ne me laissez pas seul.

Nie Huaisang secoue la tête et lâche son poignet.

“Accompagnez-moi boire un coup.”

Sans attendre sa réponse, Nie Huaisang se met en route, guidant l’homme jusqu’à ses quartiers. Un garde se poste à l’intérieur, après tout, la confiance n’est pas encore de mise pour la secte, malgré la prise de risque insouciante de leur Zongzhu. Nie Huaisang sourit à son nouveau partenaire de beuverie et lui fait signe de s’asseoir.

Avec une personnalité aussi raffiné que Huaisang, on aurait pensé que sa chambre était impeccablement bien rangée. C’est tout le contraire. Du matériel jonche le sol, Liu Qingge doit en ignorer l’usage de plus de la moitié, sauf s’il s’avère être un passionné d’art. Des tableaux sont entassés dans un coin de la table. Son bureau contient une tonne d’épices de différentes couleurs qu’il se sert pour faire sa propre peinture. Le tout accompagné de pluieurs encriers, encre et plumes. Et bien entendu, des éventails par ci par là. La cerise sur le gâteau est son épée bien présente dans sa chambre, négligemment sur le sol, à moitié sous le lit.

Il s’approche de son étagère et glisse ses doigts sur le bois, cherchant une point précis. Ceci fait, il appuie dessus et l’étagère s’ouvre. Il n’est pas rare que des quartiers possèdent des pièces secrètes, et Nie Huaisang a trouvé la sienne très jeune.

Un sourire complice aux lèvres à l’attention de Liu Qingge, il lui fait signe de le suivre à l’intérieur du renfoncement. C’est une toute petite pièce, mais assez spacieuse pour contenir un bureau et deux étagères. Sur la première, des objets rares et riches sont disposés sur les planches. Sur la deuxième un rayon est consacré à l’alcool, et les autres à des revues érotiques. Bien sûr dans son bureau, fermé à clé, différents documents sont cachés, servant à ses idéaux de vengeance. Mais c’est une cachette qu’il peut facilement changée. Montrer cette pièce ne lui fait encourir aucun risque. Il attrape l’une des bouteilles d’alcool.

“Garderez-vous mon secret, Liu-xiong ? J’ai découvert cette cachette lorsque je n’étais qu’un jeune disciple. Ce n’était pas moi qui devait être à la tête du clan.”

Il s’éloigne et pose deux jarres sur le bureau de sa chambre, les servant tout en continuant son histoire.

“Mon frère l’était déjà. Si jeune est déjà si robuste, juste et respecté.Il était la fierté du clan. Toute la secte l’a suivie. Auprès de lui … Rien ne pouvait arrêter Nie Mingjue. L’homme féroce qui brandi Baxia.” Il rit doucement, nostalgique. “S’il avait découvert cette pièce pendant mon adolescence, il aurait compris pourquoi j’ai loupé trois fois mes études et m’aurait brisé les jambes. Mais ça m’était égal. Ce n’était pas mon destin. Ça n'aurait pas dû l'être. Les dieux ou les démons ont changé le fil du temps.”

Il s’installe et lui donne l’autorisation d’en faire de même. Nie Huaisang balance sa chaise et son corps en arrière, avec négligence. D'une main, il rejette une de ses mèches brunes en arrière et de l’autre main, il boit une grande gorgée de sa jarre, le liquide coulant sur son menton. Un homme qui sait boire et un homme qui en met de partout.

Levant sa jarre, il la fait doucement claquer contre celle de son camarade.

“A l’infortune, mon ami !”

Nie Huaisang boit encore puis penche la tête sur le côté, le dévisageant, les joues légèrement rougies par l’alcool, qui intensifie également son regard. Il pose avec délicatesse sa main sur son visage, coude sur le bureau, sa main soutenant sa joue.

“Liu Mingge … Tu as ce quelque chose de familier. C’est dans ton regard.”

Sans bouger de position, il lève sa main libre vers lui et pose son doigt juste au-dessus de son nez, pour cacher une petite ride.

“C’est sur tes sourcils aussi.”

Nie Huaisang laisse retomber sa main mais continue de le dévisager.

Que me caches-tu Liu Qingge ?

Soudainement, il éclate d’un petit rire clair et se redresse légèrement.

“Ahahaha ne soyez pas gêné !”

Mingjue a été étonné, quand Huaisang est revenu vers lui pour l’empêcher de partir. Le regard qu’il pose sur lui à ce moment-là, les traces de ses larmes encore visibles sur son visage, comme si elles voulaient qu’il y en ai enfin un témoin. Comme si elles hurlaient à Liu Qingge de prendre soin de Huaisang et d’être l’épaule sincère dont il a tant besoin. Le ton de sa voix, qui se brise sur la fin de sa demande. Comme une supplication que Huaisang n’assume qu’à moitié.

Plus que jamais, Mingjue peut voir tout le poids qui repose si lourdement sur les épaules de Huaisang ainsi que tous les démons qui s’y rattachent. Impossible de ne pas voir à quel point son cadet est rongé de l’intérieur. Sa mort l’a brisé. Il faudra être aveugle pour ne pas le remarquer ou le comprendre. Les deux frères étaient si proches. Hormis la mort, rien ni personne n’aurait pu saboter le lien qui les unissait. A vrai dire, pas même la mort. La preuve. Mingjue est là, près de lui, même s’il ne peut pas donner sa véritable. Même la mort ne suffit pas à les éloigner l’un de l’autre. Rien ne le peut.

« Je vous suis » dit-il, alors que Huaisang part déjà. A-t-il seulement entendu sa réponse ?

Liu Qingge le suit donc, sans un mot de plus. Les pas de son cadet, silencieux sur le sol. L’espace d’un instant, Mingjue a l’impression de voir un fantôme déambuler dans les couloirs. Peut-être n’est-il pas si loin de la vérité…

Autrefois, Mingjue aurait sévèrement réprimandé Huaisang de laisser un homme qu’il ne connait pas venir dans ses appartements. Une insouciance qui peut s’avérer mortelle. Mais dans le cas présent, cela l’arrange bien, pouvant l’aider à se faire une place auprès de Huaisang, sous le nom de Liu Qingge.

Son regard balaye la pièce. Les passions de Huaisang n’ont pas changé. Mingjue a si souvent déploré que son frère préfère l’art à la pratique de l’épée. Epée qu’il peut voir, négligemment jetée sur le sol. Combien de fois a-t-il vu cela de son vivant ? être devenu le chef de la secte n’a rien changé… Huaisang… tu pourrais au moins faire semblant et la laisser reposer dans la place qui devrait être la sienne, près du trône sur lequel tu sièges. C’est ce qu’on attend de toi…

Quand l’étagère s’ouvre, Mingjue ne peut pas cacher sa surprise. Comme quoi, il peut encore en découvrir sur Qinghe et les secrets qui y sont dissimulés. Quant bien même il ait été chef de secte pendant plusieurs années. Il l’y suit, observant du coin de l’œil les étagères. Forcément, les objets rares en possession de Huaisang. Il ne devrait donc pas montrer cette pièce à n’importe qui. Ensuite, de l’alcool et… des lectures bien particulières ! Il préfère ne pas s’attarder là-dessus !
En tout cas, cette pièce explique beaucoup de choses. Parfois, Huaisang était introuvable… C’est donc là qu’il se cachait, ces fois-là ?

« Votre secret est en sécurité avec moi. »

Liu-xiong. Mingjue ne s’attendait pas à se faire appeler ainsi, ce qui doit se lire sur son visage. Liu-xiong. Ainsi, Huaisang a décidé de laisser tomber sa réserve à son égard pour le reste de la nuit, le temps de leur rencontre informelle.

Huaisang… une décennie après la mort de Mingjue, il est toujours à chanter ses louanges. Derrière sa tristesse, il peut lire l’admiration dans le regard de son frère.
Depuis tout petit, Huaisang a toujours posé sur lui des yeux pleins d’admiration, voire d’adoration par moment. Il le revoit, fièrement bombé le torse devant les réussites et les exploits de son aîné, comme s’il s’agissait des siens. Mingjue se souvient aussi de toutes les fois où Huaisang s’est caché derrière lui, parfois revigoré de courage par sa présence.

« Le destin est parfois cruel et aime à aller contre nos projets. »

La preuve avec sa mort, lui qui gardait Meng Yao a l’œil, depuis sa trahison. Bien des personnes étaient venues à lui, demandant sa clémence, implorant son pardon pour Meng Yao. Rien n’y a fait. Parce qu’il savait. Il savait que son frère juré n’était pas ce qu’il laissait croire. C’est ce qui a conduit à un drame prématuré.

« A l’infortune » dit-il en trinquant, après s’être installé et que Huaisang ait déjà commencé à boire. Il l’imite ensuite. Une longue gorgée revigorante. Parfois, l’alcool fait du bien. A en croire la manière de boire de Huaisang, ce dernier espère y noyer ses démons. Malheureusement, il a pu constater que dans son état actuel, l’alcool n’a que bien peu de prise sur lui, voire pas du tout. Un mort n’a donc pas le droit de se saouler.

Il se force à rester neutre, quand Huaisang l’observe et évoque ce quelque chose de familier. Non. Impossible. Mingjue ne doit pas se faire de fausse idée. Il est impossible que son jeune frère le reconnaisse sous cette apparence. La seule chose qui pourrait réellement le trahir, ce serait Baxia. Pas juste le regard de Huaisang sur lui…

Mingjue a un léger mouvement de recul, volontaire, mais qui n’empêche pourtant pas Huaisang de le toucher. Son cadet avait bien plus de facilité que lui à aller vers les autres, avec parfois un manque de pudeur sociale. Mingjue a eu un rapport détaillé de son passage au Repaire des Nuages, notamment à l’époque où Wei Wuxian et Jiang Cheng y étaient aussi. Sacré trio… D’ailleurs, pourquoi le Chef des Jiang et le Chef des Nie ne sont pas alliés ? Mingjue ne s’était jamais posé la question de son vivant, quant à l’amitié oubliée entre eux…

Ses sourcils ? Mingjue comprend alors qu’il fronçait les sourcils sans s’en rendre compte. Le naturel est difficile à combattre. C’est donc cela, ce sentiment de familiarité ? Son air renfrogné, aux sourcils froncés. Mingjue sait que son simple regard en effrayait plus d’un. Il se force à sourire en réponse au rire de Huaisang. Un sourire qui parait, bien qu’il l’ignore, bien moins dur que sur son véritable visage. La finesse de ses traits actuels aidant.

« Je suis flatté que vous m’invitiez ici, et d’avoir ce moment plus informel avec vous. » Il lève sa jarre, comme un hommage à son attention. « Cela ne peut que me motiver davantage à vous convaincre demain. Nous pourrons alors trinquer à mon entrée chez vous. »

Mingjue se laisse aller contre sa chaise, quittant sa posture si droite et fière. Un soupire lui échappe, devant le côté incongru de la situation. Il se penche ensuite à son tour, et s’adresse à Huaisang, sur le ton de la confidence.

« Ne prenez pas mal ce que je vais dire… Mais à vous voir ainsi, et à vous écouter, j’ai étonnement envie de veiller sur vous. J’espère que mon épée pourra remplir cette mission, et que vous ne me tiendrez pas rigueur de cet aveu. »

Il se redresse et boit une nouvelle longue gorgée, laissant en suspens son aveu. Ce n’est pas un mensonge. Mingjue a toujours voulu le protéger, mais en constatant les fissures de son être… Forcément, son âme de grand frère ne se réveille que plus.

« Enfin… Pour cela, il reste encore la journée de demain à passer. »

Le feeling avec Liu Qingge passe plus qu’il ne l’aurait pensé. Ce n’est pas pour autant qu’il baisse sa garde bien qu’ils soient dans le bureau secret du maître des lieux. Il n’a pas menti en disant qu’il a quelque chose de familier. Sa présence est étrangement apaisante mais le met aussi mal à l’aise. Nie Huaisang ne cesse de l’observer comme s’il s’attendait à y découvrir quelque chose en particulier, sans mettre le doigt dessus.

L’homme plus grand que lui se penche avec un aveux surprenant. Tout le corps de Nie Huaisang se tend, il est prit d’un mouvement de recule.

“Menteur” murmure-t-il, la voix tranchante, si bas qu’il n’est pas sûr qu’il l'ait entendu. Peu importe. Sa réponse a été instinctive, amère et triste.

Plusieurs sont ceux qui ont dit vouloir le protéger. Ce n’est qu’un mensonge. Nie Mingjue ne l’a pas protéger de lui même, ni de la vie. Mais il ne lui en veut pas. Jamais il ne lui en voudrait. Ça reste pourtant une vérité, une dramatique constatation : il a échoué.
Jin Guangyao se charge de la protéger depuis son adolescence mais jour après jour, il ne fait que le duper. Ignorant que Nie Huaisang a conscience de son manège.
Lan Xichen pense le protéger et fait de son mieux pour que ce soit le cas et d’honorer la mémoire de Da Ge. Mais son ignorance et son aveuglement le rend plus seul que jamais. Nie Huaisang ne peut pas compter sur lui. Non, ça fait bien longtemps qu’il est seul.

Nie Huaisang assure sa propre protection.

Il se rassoit plus normalement et secoue la tête avec lassitude. Une résignation inquiétante quand on connait l’insousciance de Huaisang. Il lui sourit tristement, coude sur la table, main sur la joue. Son doigt fait le tour du bord de sa jarre.

“Vous devriez vous occuper plutôt du besoin du peuple et non de moi. Je suis maudit. Ceux qui veulent me chérir finissent toujours par périr.”

Toute sa famille. Ils sont tous partis. Sans Nie Mingjue, Huaisang n’a rien. Plus de famille et pas un seul ami. Il n’a même pas le respect de son clan, même si ça, c’est sa décision. Forcée pour pouvoir survivre à Jin Guangyao et le faire tomber. Le pire ? Il ne demande pas plus. NIe Huaisang est tellement brisé, tellement alarmé et toujours sous ses gardes, perdu dans sa vengeance et sa rancoeur, qu’il est bien incapable de laisser quelqu’un entrer réellement dans sa vie. Quelqu’un à qui il pourrait adresser un sourire sincère, quelqu’un qui pourrait voir ses véritables larmes et la douleur de son coeur, la noirceur de sa vérité. Sa colère, cette envie d’hurler d’injustice et de souffrance. Il ne peut partager ça avec personne, il ne peut plus avoir confiance en personne. Parce que les plus proches du coeur finissent par mourir ou trahir.

“Ou oublier mon existence.”

Ses pensées se tournent vers Jiang Cheng et toutes les fois où il vient à Qinghe sans lui rendre visite. Il a ses raisons, sa propre amertume, qui s’est changé en indifférence. Nie Huaisang soupire.

“C’est mieux comme ça.”

Il sourit à Liu Qingge.

“La vie est loin d’être simple n’est-ce pas ? Je ne m’étais pas attendu à ça.”

Il pensait toujours pouvoir vivre auprès de son frère sans avoir à se soucier de rien. Juste celui qui aime son art et qui vit sa meilleure vie dans les montagnes de Qinghe. C’est si loin d’être le cas.

Le feeling avec Liu Qingge passe plus qu’il ne l’aurait pensé. Ce n’est pas pour autant qu’il baisse sa garde bien qu’ils soient dans le bureau secret du maître des lieux. Il n’a pas menti en disant qu’il a quelque chose de familier. Sa présence est étrangement apaisante mais le met aussi mal à l’aise. Nie Huaisang ne cesse de l’observer comme s’il s’attendait à y découvrir quelque chose en particulier, sans mettre le doigt dessus.

L’homme plus grand que lui se penche avec un aveux surprenant. Tout le corps de Nie Huaisang se tend, il est prit d’un mouvement de recule.

“Menteur” murmure-t-il, la voix tranchante, si bas qu’il n’est pas sûr qu’il l'ait entendu. Peu importe. Sa réponse a été instinctive, amère et triste.

Plusieurs sont ceux qui ont dit vouloir le protéger. Ce n’est qu’un mensonge. Nie Mingjue ne l’a pas protéger de lui même, ni de la vie. Mais il ne lui en veut pas. Jamais il ne lui en voudrait. Ça reste pourtant une vérité, une dramatique constatation : il a échoué.
Jin Guangyao se charge de la protéger depuis son adolescence mais jour après jour, il ne fait que le duper. Ignorant que Nie Huaisang a conscience de son manège.
Lan Xichen pense le protéger et fait de son mieux pour que ce soit le cas et d’honorer la mémoire de Da Ge. Mais son ignorance et son aveuglement le rend plus seul que jamais. Nie Huaisang ne peut pas compter sur lui. Non, ça fait bien longtemps qu’il est seul.

Nie Huaisang assure sa propre protection.

Il se rassoit plus normalement et secoue la tête avec lassitude. Une résignation inquiétante quand on connait l’insousciance de Huaisang. Il lui sourit tristement, coude sur la table, main sur la joue. Son doigt fait le tour du bord de sa jarre.

“Vous devriez vous occuper plutôt du besoin du peuple et non de moi. Je suis maudit. Ceux qui veulent me chérir finissent toujours par périr.”

Toute sa famille. Ils sont tous partis. Sans Nie Mingjue, Huaisang n’a rien. Plus de famille et pas un seul ami. Il n’a même pas le respect de son clan, même si ça, c’est sa décision. Forcée pour pouvoir survivre à Jin Guangyao et le faire tomber. Le pire ? Il ne demande pas plus. NIe Huaisang est tellement brisé, tellement alarmé et toujours sous ses gardes, perdu dans sa vengeance et sa rancoeur, qu’il est bien incapable de laisser quelqu’un entrer réellement dans sa vie. Quelqu’un à qui il pourrait adresser un sourire sincère, quelqu’un qui pourrait voir ses véritables larmes et la douleur de son coeur, la noirceur de sa vérité. Sa colère, cette envie d’hurler d’injustice et de souffrance. Il ne peut partager ça avec personne, il ne peut plus avoir confiance en personne. Parce que les plus proches du coeur finissent par mourir ou trahir.

“Ou oublier mon existence.”

Ses pensées se tournent vers Jiang Cheng et toutes les fois où il vient à Qinghe sans lui rendre visite. Il a ses raisons, sa propre amertume, qui s’est changé en indifférence. Nie Huaisang soupire.

“C’est mieux comme ça.”

Il sourit à Liu Qingge.

“La vie est loin d’être simple n’est-ce pas ? Je ne m’étais pas attendu à ça.”

Il pensait toujours pouvoir vivre auprès de son frère sans avoir à se soucier de rien. Juste celui qui aime son art et qui vit sa meilleure vie dans les montagnes de Qinghe. C’est si loin d’être le cas.